
Trône
Légendes
Eris Morn revint à l'avant-poste de Vesta. Comme elle s'exprimait avec aisance, il fut décidé qu'on lui viendrait en aide en échange de renseignements et d'une alliance de longue durée. C'est ainsi que les Éveillés furent les premiers à entendre parler du Grand navigateur, de sa philosophie, de ses stratégies et de ses faiblesses. Et à mesure que l'assemblée contemplait les possibilités offertes par l'épée lointaine de ce dieu-roi, il fut décrété qu'elle construirait un monde du trône sous un puits d'énergie aussi aveugle que Charon le passeur. Nascia se chargea des plans et Portia des calculs. Les premiers tests eurent lieu à la côte est, à l'aide d'un petit générateur de Faille. Satisfaites de la fiabilité de leurs méthodes, elles se rendirent dans une grande cathédrale pour creuser le puits. Là, Lissyl et Sédia inaugurèrent le premier forage avec l'aide de Riven, qui avait pris l'apparence d'un basilic au nez aiguillé, tandis que, dans les profondeurs, Kalli et Shuro Chi construisaient le portail, en un lieu appelé « La Confluence ». Illyn prépara une teinture de feuille de Reine après l'autre jusqu'à ce que ses vêtements empestent et que ses mains soient tachées de noir rougeâtre. Les yeux écarquillés, elle se déplaça entre les plans d'existence et tria les fils de la réalité sur un vaste métier à tisser métaphysique, en rapprochant certains et en éloignant d'autres. Mara et Riven façonnèrent son troisième trône ensemble, et leur talent artistique combiné était une preuve de la joie dévorante qui émanait d'une telle association. Le nom d'Éleusinia lui fut donné, et c'est dans ces halls ascendants que Mara sculpta une statue pour Sjur. Lorsque l'heure fut venue de connecter le puits avec l'irréalité qui se trouvait au-delà du portail, Sédia demanda : « Ne vaudrait-il mieux pas ne pas avoir de clé pour une telle porte ? » Riven, qui avait désormais pris l'apparence d'un immense serpent arborant des bois et de larges pattes de tigre, resserra ses anneaux qui entouraient la salle. « Un œuf », corrigea machinalement Mara qui rongeait l'ongle de son pouce. « La clé est si lourde qu'elle ne peut être portée », s'aventura à répondre Kalli, filant la métaphore. Sédia agita la main avec dédain. « Oui, oui, je sais. » Toutes savaient que le portail nécessitait une charge continue d'énergie paracausale de plusieurs semaines, et qu'il était presque impossible de produire de l'énergie à une telle échelle dans le système solaire. Presque. « C'est seulement que... il faut vraiment... » « Il faut vraiment faire confiance aux Gardiens ? », compléta Illyn d'un ton sec. Mara passa la main sur la surface lisse et brillante du mécanisme de contrôle du puits principal, puis se retourna et marcha seule en direction de l'air frais et brumeux qui venait de la côte. Les Tékiennes la regardèrent s'éloigner. « Le plan est la seule façon de faire, déclara Illyn. Souviens-toi de ton serment, Sédia. »

Oracle
Légendes
Vint alors le matin où les Tékiennes parlèrent à l'unisson, bien qu'elles se trouvaient à bonne distance les unes des autres, et dirent : ++QUI ES-TU TOI QUI CONSTRUIT UNE CITÉ CACHÉE ICI, DANS NOS PENSÉES ?++ Et Mara, seule sur la Promenade de la Reine de la Cité des rêves, entendit leurs voix comme si chaque sorcière se tenait à ses côtés. Elle répondit au vide : « Je suis Mara Sov. Qui êtes-vous ? » La réponse ne se fit pas attendre. ++ERREUR ! TU ES L'EKPUROSIS. NOUS SOMMES LA TRAME DU NON-ESPACE.++ En entendant cela, Mara reconnut une devinette. Elle se retourna immédiatement et abandonna la Promenade de la Reine afin que Riven n'en soit pas inspirée. Elle réfléchit en marchant. Elle finit par dire : « Erreur. Vous êtes les Anciens. Vous êtes l'idée qui donne forme au destin. » Cette voix unique revint, aussi claire et puissante que la naissance de l'univers, mue par une curiosité froide, ++TU TE CROIES SAGE ! COMMENT PEUX-TU AVOIR ATTEINT UNE TELLE RÉVÉLATION ?++ Mara allongea le pas, faisant trois foulées en une afin de se baisser et d'entrer dans un portail de transport peu utilisé. Elle réapparut dans un petit observatoire côtier, qui n'était rien de plus qu'un grand dortoir, et trouva Kelda Wadj, la maîtresse du grand tout, flottant un mètre au-dessus du sol. Du sang coulait de ses oreilles et ses narines. Ses yeux ne voyaient rien. Les autres Tékiennes, réparties de manière géométrique dans toute la Cité des rêves, connaissaient le même sort. Elles étaient inertes, flottaient et saignaient. Maîtrisant son dégoût, Mara déclara : « J'ai vécu à vos côtés. » Et comme elle craignait pour la vie de Kelda, elle demanda : « Comptez-vous faire preuve de violence ? » Toutes les Tékiennes s'effondrèrent en même temps, telles des marionnettes dont on aurait coupé les fils. Toutes sauf Kelda Wadj, dont l'augmentation flamboyait d'une lumière brillante. Elle s'éleva plus haut dans les airs et commença à s'effilocher, particule par particule. Alors qu'il ne restait plus rien d'elle, elle déclara : ++ET MAINTENANT, TU NOUS INSULTES.++ Mara s'endurcit face à la vision d'horreur qui avait pris la place de son ancienne amie. Elle avait été imprudente de croire que le jeu des devinettes était terminé. Elle répondit : « Évidemment. » Après tout, la violence n'était qu'une histoire de perspective. « Ce que je cherche à dire c'est que me demanderiez-vous ? » Kelda Wadj, sage bien-aimée, vola en éclats puis s'effondra sur elle-même, formant une singularité qui brûlait indéfiniment sans ne jamais rien détruire autour. De sa gorge non existante s'échappa à nouveau la voix, que Mara ressentit jusque dans la moelle de ses os. Elle dit : ++QUE NOUS DEMANDERAIS-TU ?++ Durant quinze jours et quinze nuits, la singularité brûla à découvert. Le seizième jour, elles commencèrent à construire la Machine Oracle, dont le cœur n'était autre que la singularité de la maîtresse du grand tout.

Misraaks
Légendes
Le Vandale se penche en sortant de la Galiote. Tous ses bras sont attachés dans le dos et il ne peut se protéger de la lueur aveuglante du soleil. Une légère brise meut sa cape. Derrière lui se trouve une falaise, et devant, des jardins luxuriants. Sa geôlière ne lui fera pas l'honneur d'une mort rapide, alors elle a sans doute l'intention de le torturer. Elle pense qu'il craquera comme les amateurs de chair de la Maison du Châtiment. Elle a tort. Quelles que soient les bassesses auxquelles elle compte s'adonner, ce n'est rien en comparaison de ce qu'il mérite. La tête haute, il s'imagine enlever pièce par pièce son armure et remettre ses quatre bras dans les mains de son Capitaine. Son Capitaine est sa mère, et elle ne le démembrerait pas à la faux. Elle tordrait et arracherait chacun de ses bras comme si elle ouvrait un délicieux tourteau pour le repas. Et il se repaîtrait des lents craquements infâmes de ses os. Il serait heureux de l'humiliation. Qu'il passe le reste de sa misérable existante sans le moindre membre. Que la soif d'éther le flétrisse comme une figue yaviirsi. « Qu'en penses-tu ? » demande sa geôlière dans une langue qu'il ne peut comprendre. Elle fait un pas en avant pour le rejoindre et pose la main sur son épaule. Il sursaute. Elle est pratiquement aussi grande que lui, et pour une créature sans griffe, elle a de la poigne. Ensemble, ils contemplent les jardins. « C'est un peu tapageur à mon goût » admet-elle alors qu'il lui jette un coup d'œil. Son arc n'a pas de corde et il n'y a qu'une seule flèche dans son carquois. Elle est stupide. Il tourne sur lui-même, la fait trébucher et s'élance vers la falaise. Elle laisse échapper un juron, retrouve son équilibre et s'élance à sa poursuite. Alors qu'il se jette du bord, il pense à la honte qu'éprouvera sa mère et prie pour qu'elle l'oublie. Mieux vaut ne jamais avoir eu de fils plutôt qu'un avorton qui s'est si facilement laissé prendre par l'ennemi. Manque de chance pour lui, elle attrape son pied d'une main. Son casque percute le flanc de la falaise rocheuse et un morceau de son recycleur se fêle et tombe dans la brume en contrebas. Il se débat mais ne peut l'emporter avec lui. Elle s'avère mystérieusement capable de le remonter comme un poisson. Dès qu'elle l'a reposé sur la terre ferme, elle lui lie les chevilles avec la corde de son arc. « Bon, dit-elle en reprenant son souffle. Très bien. » Elle glousse, tapote affectueusement son épaule et le redresse comme un sac de psakiks. Elle recule d'un pas et nettoie ses mains sur son pantalon. Il lui lance un regard noir. Voilà bien le sac de psakiks le plus renfrogné de ce côté de la grande machine, et il déteste ses dents carrées et ses gros doigts boudinés. « Reprenons depuis le début, vous voulez bien ? » Extirpant deux couteaux fractals accrochés à sa ceinture, elle exécute à la perfection une révérence ireliis devant lui. Abasourdi, il s'assied droit. Il la dévisage. « Ce n'est pas comme ça ? » demande-t-elle avant de s'exécuter à nouveau. Il est à la fois furieux et confus. Ce doit être une ruse. Une raillerie blasphématoire. « Iirsoveks », gronde-t-il. Elle secoue la tête. « Nama. » Rengainant l'un de ses couteaux, elle tend la main laissée libre en signe de supplique. Il baisse le menton vers sa gorge à la suite de cette nouvelle trahison et plisse ses yeux secondaires. Il parle ! Lentement, sans le quitter des yeux, elle pose l'autre couteau au sol, entre eux. La lame pointe vers ses bottes. Il observe chacun de ses mouvements. Combien de secrets les amateurs de chair ont-ils dévoilés pour que cette créature puisse faire la paix tel un Reubuh craintif face à son kal ? Elle tapote deux doigts contre sa cuirasse. « Sjur », prononce-t-elle lentement avant de le pointer du doigt. Forcé de répondre alors qu'il est scandalisé, il rétorque : « Misraaks. Velask, Si-yu-rs. » « Mithrax », répète-t-elle avant de sourire. « Velask, Mithrax. Et pas besoin de me remercier ! Jetons un coup d'œil, d'accord ? »

Azirim
Légendes
Et lorsque le second solstice commença, de nombreux Éveillés et Ahamkaras vinrent à la Cité des rêves pour célébrer le plaisir fou d'être en vie. Ils arrivaient aux Jardins d'Esila, et Azirim fut le dernier d'entre eux. En le voyant atterrir, Esila s'adressa à lui : « Ah ! Quel culot ! Vous pensez vraiment avoir mérité le droit de festoyer dans cet endroit ? » Et Azirim de répondre : « Je vous en prie, madame. J'ai fait le tour des mondes et parcouru les étoiles. Je cherche seulement à féliciter votre peuple. Si vous voulez bien m'écouter, je peux vous prouver que je n'ai nullement l'intention de gâcher l'indulgence dont vous pourriez faire preuve à mon égard. » Esila répliqua : « Nous avons bien souvent écouté vos indiscrétions. Je sais ce qui arrive à ce qui vous est confié. Je n'ai besoin d'aucune garantie. » « Mes indiscrétions ?, s'insurgea Azirim. Madame, j'admets volontiers avoir murmuré des vérités que vous m'aviez confiées pour tromper ceux qui souhaitaient me tromper. Mais ai-je déjà tourné mes crocs avides contre votre peuple ? Ai-je réduit en cendres votre confiance ? J'ai compris les erreurs qui étaient les miennes. Laissez-moi vous prouver que j'ai bel et bien changé. » Bien qu'elle puisse noter une certaine hésitation dans le reflet d'Azirim, Esila ne pouvait résister à une histoire de rédemption. Elle étendit la main et adressa un signe clément à Azirim. « Joignez-vous à nous et réjouissez-vous. Mais tout d'abord, je souhaite entendre ce témoignage. » Formellement invité, Azirim inclina la tête, dissimula un sourire et parla sur le ton déférent qu'Esila lui avait réservé. Il narra ses innombrables regrets quant aux nombreuses fois où il avait dupé les aimables marchands de la capitale d'Interamnia. Il rapporta l'acte désintéressé dont il avait fait preuve envers les Corsaires voyageurs qui n'auraient pu s'échapper de l'héliopause sans son aide. Il narra son voyage pour récupérer les eutech volés sur Pallas par les Déchus, ces grossiers pilleurs. Il nomma aussi ses amis et ceux qui avaient fait preuve de bonté envers lui. Des groupes les plus bruyants assemblés au-delà des jardins luxuriants d'Esila vint une assemblée de Tékiennes en formation et de jeunes Corsaires aux joues rouges. Ils s'assirent dans l'herbe humide et l'écoutèrent. À mesure qu'ils l'écoutaient et qu'Azirim parlait, son appétit se renforçait. La nuit tomba sur la Cité des rêves. Azirim s'adressa à ceux qui s'étaient agenouillés, fascinés : « Venez, laissez-moi vous parler de l'extinction. Je vais vous chanter l'histoire des vies perdues dans ces merveilleux endroits, ô, mon auditoire. Chantez avec moi, chantez ! » Il les invita à se lever, et mena cette joyeuse cohorte loin des jardins d'Esila. Il déplia ses ailes et s'envola dans les cieux par-delà les falaises abruptes qui bordaient les jardins. Pour ceux qui regardaient en direction des jardins depuis de pavillons lointains, tout ceci ne semblait être qu'un défilé jovial, un chœur joyeux. Ils n'entendirent pas la fin des chants. Pas plus que les corps s'écraser contre le rivage en contrebas. Ils ne virent pas non plus Azirim croître, rire et s'enfuir.

Bamberga
Légendes
$ $ COPIER À PARTIR DE BAMBERGA"ORIN RCLJN3YJPYQ79YER"::APHEL.REL APHEL.REL $ TYPE APHEL.REL %%%%%%%%%%% AUTORISATION VIOLETTE REQUISE %%%%%%%%%%% INDEX : ÉVÉNEMENT 2PAL-A :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 2PAL-B :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 4VES-A :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 4VES-B :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 4VES-C :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 4VES-D :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 4VES-E :: OTDR-4-REL ÉVÉNEMENT 7IRI-A :: OTDR-4-REL RÉSUMÉ DES INCIDENTS SENSIBLES MAIS NON SECRETS RELATIFS À L'APHÉLIE. *** ÉVÉNEMENT 2PAL-A :: OTDR-4-REL *** INFORMATIONS REÇUES APPROX. 09-18T02:29:45+00:00 DU PALADIN NOLG, CONSIDÉRÉ SOBRE, FIABLE, PAS AFFABULATEUR. NOLG A PARLÉ D'UNE « CRÉATURE LUMINESCENTE » À L'EXTÉRIEUR DE SON VAISSEAU « CHÂTIMENT » QUELQUES INSTANTS AVANT UN SAUT DE DISTORSION ROUTINIER. L'ENREGISTREUR DE DONNÉES DE VOL DU « CHÂTIMENT » A MONTRÉ UN PIC DE RAD (5 SIGMAS) SUR LE TEPC, LE CPDS ET LE RAM. LE CPD N'A RELEVÉ AUCUNE PERTURBATION. SUR RECOMMANDATION DE K WADJ, NOLG A ÉTÉ PLACÉ EN QUARANTAINE SOUS SUPERVISION TÉKIENNE PENDANT 1 MOIS. LE « CHÂTIMENT » A ÉTÉ MIS HORS SERVICE ET LAISSÉ À LA DÉRIVE AU-DELÀ DU RÉCIF. *** ÉVÉNEMENT 2PAL-B :: OTDR-4-REL *** INFORMATIONS REÇUES APPROX. 10-27T17:11:56+00:00. LA STATION SPATIALE AMESTRIS DU RÉCIF, ALORS EN CONSTRUCTION, A ENVOYÉ 6 APPELS DE DÉTRESSE UNIQUES SUR UNE PÉRIODE DE 2 MINUTES. LES RETRANSCRIPTIONS SONT LES SUIVANTES. R-1 : PAN PAN, PAN PAN, PAN PAN. À TOUTES LES STATIONS, À TOUTES LES STATIONS, À TOUTES LES STATIONS. ICI LA STATION SPATIALE DU RÉCIF AMESTRIS. CONNAISSONS UN POSSIBLE ÉVÉNEMENT D'EFFONDREMENT COSMIQUE. DEMANDONS COMMUNICATION VIDÉO IMMÉDIATE AVEC TOUTE TÉKIENNE DISPONIBLE. [BRUIT PARASITE] R-2 : S.O.S., S.O.S., S.O.S. ! À TOUTES LES STATIONS ! ICI LA STATION SPATIALE DU RÉCIF AMESTRIS, NOUS SOMMES ATTAQUÉS ! LA COQUE A ÉTÉ BRISÉE ! S.O.S., S.O.S., S.O.S. ! ICI LA STATION SPATIALE DU RÉCIF AMESTRIS. PITIÉ QUELQU'UN [BRUIT PARASITE] R-3-A : JE L'AI, TENEZ BON. JE NE SAIS PAS COMMENT... QUEL EST LE CANAL ? R-3-B : ILS HURLENT ! ÉCOUTEZ, ILS HURLENT TOUS ! R-3-A : RESTEZ CALME ! AIDEZ-MOI ! QUEL EST LE CANAL ? R-3-B : C'EST LE NOYAU, LE NOYAU DE TRAQUE ! R-3-A : FERMEZ-LA ! QUEL EST LE CANAL ! R-3-B : OH NON, OH JE VOUS EN PRIE, JE VOUS EN PRIE [BRUIT PARASITE] R-4 : ORIN, C'EST MOI, C'EST NAMQI. JE NE CROIS PAS POUVOIR RENTRER À LA MAISON, MA CHÉRIE. JE SUIS DÉSOLÉ. JE... JE VEUX JUSTE TE DIRE QUE JE T'AIME [BRUIT PARASITE] R-5 : S.O.S., S.O.S. ! ICI VEN ASAR DE LA STATION AMESTRIS. NOUS SOMMES 300 À BORD. QUELQUE CHOSE SE PASSE, TOUT EST BLEU. IL Y A QUELQUE CHOSE ICI [BRUIT PARASITE] R-6 : [INCOMPRÉHENSIBLE] [CRI] [BRUIT PARASITE] L'ÉQUIPE DE SAUVETAGE A CONSTATÉ QU'IL N'ÉTAIT PAS PRUDENT DE MONTER À BORD À CAUSE D'UNE FORTE CONTAMINATION RADIOACTIVE DE SURFACE. L'ÉQUIPE A DÉPLOYÉ DE NOMBREUX DRONES CORBEAUX POUR PROCÉDER À L'EXPLORATION. AUCUNE BRÈCHE DANS LA COQUE N'A ÉTÉ DÉTECTÉE. AUCUN SIGNE DE DÉTONATION MALTECH N'A ÉTÉ DÉTECTÉ. AUCUN SIGNE D'INTERFÉRENCE EXTRATERRESTRE HOSTILE N'A ÉTÉ DÉTECTÉ. AUCUN SIGNE DE SABOTAGE INTERNE N'A ÉTÉ DÉTECTÉ. AUCUN SURVIVANT N'A ÉTÉ RETROUVÉ. ABANDON DE L'AMESTRIS, LAISSÉE À LA DÉRIVE AU-DELÀ DU RÉCIF. *** ÉVÉNEMENT 4VES-A *** $ Q $ SUPPRESSION APHEL.REL;*

Lettres
Légendes
Communication non parvenue, perdue. Les avez-vous vus mourir ? M'avez-vous vue sortir mon couteau pour extraire chaque œil, un-deux, un-deux-trois ? Avez-vous vu votre corps pourrir ? Vous vous prétendez insensible, mais vous avez toujours été défini par vos préoccupations. Avez-vous été peiné de voir vos os réduits en poussière ? Communication non parvenue, humide. Les deux couronnes ont été fragmentées. Que le Ciel me sauve, j'ai perdu tous mes repères. Je suis une lame qui demandait à être maniée depuis si longtemps... mais qu'est-ce qu'une lame si elle n'a rien de solide à couper ? Vous m'apaiserez. Vous me direz de me reposer. Vous tenterez de m'emmener aux bibliothèques. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Communication non parvenue, brûlée. Патетическая. L'enflure de profonds sentiments dans votre poitrine alors que vous pleurez le monde qui est, a été et sera. Je ne suis pas allée sur Mars. Je n'irai pas à la Cité des rêves. Il n'y a que le plan. Communication non parvenue, perdue. Cousin, te rappelles-tu des rues de la dernière Cité ? Te rappelles-tu des raisins rouges mangés ? D'avoir joué à chat entre les étals du marché ? Tu ne le peux pas. Nous avons grandi, nous sommes morts et nous avons revécu. Mais je me souviens. Une chose est vraie pourtant. Tu riais. Quelles manipulations du destin nous ont menés à de telles calamités ? [texte percutant en boucle] J'écoute les canaux de l'Avant-garde depuis des jours pour découvrir si tu es mort. Si la nouvelle me parvient, je volerai immédiatement vers toi, où que je me trouve et quel que soit le combat dans lequel je suis engagée. [Trace d'une forte pression sur le papier qui l'a presque déchiré.] Je le jure. Communication parvenue. Je suis montée à bord. Je n'ai que des mots admirables et violents à mettre dans mon rapport. Je vous verrai sur votre trône.

Honneurs
Légendes
L'orgueil volette dans la gorge de Pétra comme un oiseau en cage. Elle ne sait pas si elle va s'envoler ou mourir. Alors que l'ascenseur descend, elle regarde Illyn à sa gauche, et Uldren à sa droite. Elle traîne des pieds dans son armure de cérémonie étincelante. D'exilée à émissaire de la Tour et ÇA, c'est incroyable. Impensable. Elle ne le mérite pas. « Tu ne rêves pas », murmure-t-elle, incapable de s'en empêcher. Uldren sourit, mais Illyn la réprimande : Silence ! Le volume de la musique augmente alors que l'ascenseur s'arrête. Au centre de la pièce, les paladins et les autres Tékiennes d'Illyn sont rassemblés autour de Riven et, évidemment... Sa respiration s'affole. Mara. Elle ne peut s'empêcher de jeter un nouveau coup d'œil à Uldren : Comment... ? Son sourire s'élargit. Pétra serre la mâchoire et redresse sa posture. Un chœur d'une trentaine de personnes les accueille en chanson dans le Hall des Noms. L'air sent la lavande, et des centaines de bougies éclairent la totalité de la pièce. Même à cette distance, elle constate que Hallam est submergé d'émotions. Cet accueil est bien plus chaleureux que celui auquel elle s'attendait. Bien plus que celui qu'elle mérite. Lorsqu'ils atteignent l'estrade, elle s'agenouille. Uldren et Illyn continuent d'avancer pour retrouver la Reine et les conseillers qui l'entourent. Le chant se termine, la musique s'éteint. Uldren et Illyn s'expriment à l'unisson, emplissant la pièce de leurs voix puissantes et assurées. « Votre Grâce, nous vous présentons Pétra Venj, votre loyale servante, qui se présente devant cette auguste assemblée pour vous rendre hommage et se mettre à votre service. L'acceptez-vous ? » Pétra ne peut rien voir d'autre que son propre reflet déformé sur ses solerets polis. Elle ferme les yeux. « Je l'accepte », répond Mara alors que la gorge de Pétra se serre. Uldren et Illyn se retournent en même temps. « Pétra Venj ! Êtes-vous encline à prêter serment ? » « Je le suis », réussit à articuler Pétra d'une voix tremblante. « Jurez-vous solennellement de protéger notre peuple, nos propriétés, nos territoires et nos intérêts immatériels ? » « Je le jure. » « Jurez-vous, à tout instant et pour chacun de vos jugements, de faire appliquer la loi et la justice avec miséricorde ? » « Je le jure. » « Jurez-vous de défendre votre Reine et ce quel qu'en soit le prix ? Jurez-vous d'exécuter et de garder secrets les ordres de votre Reine ? Et jurez-vous d'emporter dans la tombe les détails de votre charge ? » « Tout ceci, je le jure. » « Alors redressez-vous, déclare Mara, et annoncez-vous. » Pétra relève la tête et croise le regard de Mara. « Que vous soyez témoins des serments que j'ai prêtés en ce jour devant vous, et que moi, Pétra Venj, je jure de respecter. » Mara sourit et s'avance, un couteau forgé depuis peu entre les mains. « Alors recevez cette lame, extraite des forges d'Interamnia. Servez-vous-en pour rendre la justice, stopper la croissance de l'iniquité, restaurer ce qui décline, maintenir ce qui est restauré, punir et réformer ce qui dévie du droit chemin, et confirmer ce qui est approprié. Ce faisant, vous incarnerez ma volonté et représenterez mon courroux. Que la chasse soit bonne. » « Que la chasse soit bonne », répètent en chœur les membres de l'assemblée. Pétra ne remarque pas le coup d'œil cynique que s'échangent Léona et Pavel, qui servent loyalement la Reine depuis des décennies. Elle n'aperçoit pas que Riven goûte l'air. Elle ne voit que Mara.

Riven
Légendes
Mara est assise les jambes croisées, à l'ombre de l'aile de Riven. Elle mouille la pulpe de son pouce du bout de la langue, et tire profit de l'humidité pour maintenir ensemble des asphodélias fraîchement ramassées. Elle attache les tiges à l'aide d'un fil doré de soie tissée, puis entame la tâche ennuyeuse de tressage de tous les accessoires nécessaires : un croc cranté, une cartouche de fusil à pompe, un cristal d'améthyste trouble... Riven se retourne et l'observe. En ce jour, sa tête est de la taille d'une Pique déchue. Elle est d'un bleu vif avec une crête jaune et rouge, et ses yeux sans paupières arborent des pupilles en forme de croissant. Au bout d'un moment, elle déclare : « Madadh est mort, mais vous ne lui faites aucun bouquet. » Mara relève la tête, frappée par le caractère inédit d'une telle remarque. Elle étudie Riven et ravale les premiers mots qui frappent à la porte de sa bouche pour sortir. Elle ne peut lui dire que les os de Madadh murmurent en ce moment précis sur Vénus. Au lieu de cela, elle demande : « Le pleurez-vous ? » Les pupilles en croissant se contractent et ne forment plus qu'une ligne aussi fine que le tranchant d'une faux. « Non. » Ayant obtenu une réponse véridique, Mara reprend son travail. Quelques instants de silence passent avant qu'elle ne reprenne : « Les Ahamkaras n'ont pas de tradition. » « Non. » « Pas de sentiments. » « Non. » Mara coupe un morceau de fil avec les dents. « Pourquoi autorisez-vous mon frère à vous subtiliser ? » « Vous connaissez la réponse, vénérable Reine. Il regorge de succulence. » « Hmm. Et pourquoi restez-vous perchée ici alors que de nombreuses proies vous attendent au-delà de mon Récif ? » « Je vais vous confier la vérité véritable. » En entendant cela, Mara doit réprimer un petit sourire. « Les Éveillés vous ont confié Ce-qui-sera à vous, leur Reine, et ils sont donc aussi secs qu'une pierre pour moi. C'est aussi bien, car l'humidité est une nourriture douce, mais la pierre sèche un endroit chaleureux où se prélasser. Vous, vous êtes aussi chaude et plate que les plateaux de Mercure, et votre chaleur m'incite à bouger. » Mara hoche de la tête et ne dit plus rien, bien qu'elle ne puisse s'empêcher de penser un court instant à la malédiction tripartite utilisée par les Ahamkaras pour marquer leurs proies, les chaînes entre évocation et épouvante. Son bouquet fini, elle se relève et s'étire. Riven en fait de même, et à mesure qu'elle se détend, elle étire ses ailes, les secoue et en aligne tous les éléments. La terre qui les entoure est une roche informe qui deviendra bientôt une aubade à ceux qui sont tombés. Mara honorera ainsi ses amis et ses ennemis de la même manière. Elle bâtira de grandes cathédrales aux façades d'améthystes et d'agates. Riven place son museau rond sous la main de Mara et attend. « Allons trouver Kelda », s'exclame Mara.

Nouvelle extinction
Légendes
ELLE A TOUT GÂCHÉ ! Quelle arrogance aveugle... NOUS SOMMES PERDUS ! v i t e Il les recrutera tous si nous n'agissons pas maintenant Q U E P O U V O N S N O U S F A I R E Ce qui est fait ne peut être défait ! Tout est perdu ! tuons-les là où ils grouillent et ne laissons pas leurs os murmurer LES ENFANTS ! c e n e s o n t p a s n o s e n f a n t s Nous ne pouvons pas nous permettre de verser dans le sentimentalisme Si nous ne le faisons pas, nous serons démunis face au voile. NON ! Non ! N O U S L E D E V O N S A V A N T Q U ' I L N E L E S P R E N N E T O U S imaginez sa puissance CONCENTREZ-VOUS TOUS MAINTENANT Non, non et non ! que notre action soit mortelle Riven ! n o u s f e r o n s a i n s i LE RÊVEUR EST PERDU ABATTEZ LES AUTRES que notre jugement soit véridique N O U S F E R O N S A I N S I

Savin-qui-fut-Chao-Mu
Légendes
C'est alors qu'Uldren, le frère de la Reine, revint au Récif avec une nouvelle créature. Il l'avait tuée deux fois dans une embuscade, disait-il, et avait acquis la certitude qu'elle ne pouvait pas mourir. Elle avait un jour été un Éveillé, et, la reconnaissant, Mara abandonna momentanément ses plans pour la Cité des rêves et la regarda froidement. « C'est un Gardien, dit-elle. Il s'appelait autrefois Chao Mu. » Il avait quitté le Récif seul, sachant qu'il ne pourrait jamais y retourner ou revoir sa famille, pour réparer un régulateur de climat en panne dans ce qui avait été le grenier à blé du désert de Gobi sur Terre. Il avait assuré ne pouvoir supporter l'idée de voir le monde s'étioler. « Inclinez-vous devant la Reine », tonna Uldren en le poussant. L'Éveillé le regarda, puis se retourna à nouveau vers Mara. « Votre Majesté, dit-il en s'inclinant. Je m'appelle Savin. » « Vous ne vous souvenez pas de vos femmes ? » Il ne s'en souvenait pas. « Vous ne vous souvenez pas de votre enfant, qui a désormais cent dix ans ? » Il ne s'en souvenait pas non plus. « Vous ne vous souvenez pas de votre passion ? L'isolation de détecteurs très sensibles de tout excepté des radiations les plus infimes. » Il ne s'en souvenait pas, mais il déclara pouvoir toucher les champs magnétiques et adorer ajuster les minuscules boucles des circuits dans sa robe. Il avait un enthousiasme sans borne pour la physique des particules. « D'où vous vient votre loyauté ? » « Votre Majesté, déclara Savin qui n'était autre que Chao Mu, mon Spectre m'a expliqué que je suis un Gardien du Voyageur qui renaquit dans sa Lumière. Je n'avais même pas un jour quand votre frère m'a attrapé. » Et il fit apparaître de son corps une machine semblable à une sphère prise dans un cube brisé, qui s'agita de manière impertinente devant la Reine et lui fit un clin d'œil. « Vous engendrerez le courroux de tous les Gardiens de la Cité si vous nous retenez contre notre volonté, avertit la machine. Mais nous serions ravis d'être vos alliés, si tel est votre désir. La Cité ignore tout de votre existence, si ce n'est dans de vagues légendes des Éveillés sur Terre. » « Parle-t-il en votre nom ? », questionna la Reine sur le ton du défi. « Je parle en mon nom, répondit Savin. Regardez ! » Et il extirpa du vide quantique une singularité au cri perçant, qu'il tint entre ses mains avant de la condenser et de la faire disparaître. « Êtes-vous foncièrement bon ? », interrogea la Reine. « Je l'espère. », répondit-il. La Reine savait qu'il s'agissait là d'un mensonge ou d'une méprise. Elle connaissait la Relève et les actes cruels qu'elle avait permis d'engendrer. Cependant, les Spectres créateurs de la Relève avaient peut-être été détruits ou été devenus éclairés. La Reine demanda aux Tékiennes d'employer leurs tests physiques et psychologiques les plus pointus afin d'évaluer les différences entre le Chao Mu dont elles se souvenaient et ce Savin, Gardien du Voyageur. Cependant, la Reine était avant tout curieuse de la réaction de son Ahamkara, qui avait commencé à saliver et avait adopté une forme plus attendue pour un Gardien : monstrueuse et pourvue de crocs. « Nous devons savoir comment le tuer, murmura avec insistance son frère à Mara. Il y en a de nouveaux tous les jours. » Savin le Gardien montra une grande capacité à se rendre utile. Sa nature profonde n'appréciait rien de plus que les tâches à accomplir, ce qui en faisait un allié précieux du Récif. Cependant, son Spectre semblait toujours en train d'observer, d'étudier et de lui faire son rapport. De plus, Savin était particulièrement avide. Pas d'une petite cupidité mesquine, mais d'un énorme désir dévorant d'obtenir matériaux et expériences qui feraient de lui un meilleur Gardien. À la recherche d'une « nouvelle capacité Super » ou d'une « façon d'accélérer les grenades », il testait sans cesse ses étranges pouvoirs de manières stupides, qui le laissaient brièvement pour mort. Il finit par se lasser des tâches triviales à accomplir au Récif, se plaignant des repaires dangereux, interminables et ennuyeux qu'il devait sécuriser. Il voulait se rendre sur de nouveaux mondes. Il sauta de nombreuses fois dans l'espace sans la moindre raison, comme si sa mort n'était rien de plus qu'un vulgaire nid-de-poule sur sa route. Obsédé par la récompense et l'efficacité, il préférait répéter mille fois une chose profitable plutôt que de gâcher ses efforts pour une nouveauté moins bénéfique. Au terme de sa relation avec Savin, Mara avait conclu qu'elle n'aimait pas ce Voyageur et l'impact qu'il avait sur les êtres. Cependant, elle ressentait également une étrange parenté et une certaine sympathie pour ce dieu désespéré et acculé qui sacrifiait indéfiniment son peuple. Elle finit par penser que la Terre se porterait peut-être mieux si le Voyageur venait à disparaître ou à être détruit. Même au Récif, elle avait l'impression de vivre près d'une torche dans une contrée sauvage et obscure, qui attirait de toute la galaxie des entités affamées aux yeux bien trop nombreux.