
Un jour comme les autres à la Tour
Légendes
Les sourcils arqués trahissaient sa pensée. Eva Levante eut un rictus, menaçant par la même de briser son impassibilité. « La demande était pourtant simple : un revêtement pour commémorer la fin de l'incident avec l'ARIA. La suggestion de couleur de Zavala, par contre... » Sa partenaire souleva un tissu arborant un épouvantable mélange de jaune fluorescent et de rouge sang, qui aurait exorbité les yeux du moindre observateur si elles n'étaient pas appliquées sur un ensemble de rayures particulièrement écœurantes. Tess soupira. « Il peut terrifier la Ruche, mais cet homme ne devrait pas s'approcher à moins de 10 mètres d'une table à dessin. » Les deux femmes riaient encore lorsqu'un tremblement se propagea dans toute la Tour. Elles se retournèrent en même temps en direction du son lointain qui s'ensuivit, un rugissement qu'aucune d'elles n'avait jamais entendu. L'interphone se mit à mugir dans la petite pièce de service qui leur servait de salon. « L'ordre d'évacuation 77 a été ordonné. Ceci n'est pas un exercice. Tous les civils doivent se rendre immédiatement dans les zones d'évacuation. » Tess se trouvait à la porte, s'apprêtant à l'ouvrir lorsqu'une deuxième explosion retentit. Celle-ci était beaucoup plus proche et elle les secoua. De la fumée et des hurlements flottaient dans le couloir. Les souvenirs d'Eva quant à la suite de l'épisode étaient décousus. Elle courrait avec Tess, pratiquement incapable de respirer. Elle se souvenait d'avoir murmuré le nom de ses cousins, s'inquiétant pour eux dans la Cité. Elle se trouvait à présent au milieu d'une vaste foule. Tess n'arrivait pas à la suivre, car Eva était poussée vers l'avant. Une nouvelle explosion, et une porte coupe-feu fermée. Tess avait disparu et Eva se trouvait avec 30 personnes dans une petite baie de chargement entre le Nord de la Tour et le Hall des Gardiens. Un homme s'échinait contre la porte la plus éloignée, hurlant qu'elle était scellée. Puis le toit s'effondra alors qu'une large sphère s'écrasait sur les quais. Les Cabals s'extirpèrent avec difficulté de la capsule à cause de leurs armures massives, et commencèrent à tirer sur les civils. C'est là qu'une explosion d'énergie aveuglante venue de derrière eux les balaya. Les cris semblaient provenir d'une dizaine d'hommes, mais Eva ne pouvait en discerner qu'un seul, un Gardien massif qui achevait un soldat cabal à l'aide d'une lame aussi grande qu'elle. Le visage casqué du Seigneur Shaxx observait la pièce dans ses moindres recoins. Deux enjambées rapides le portèrent près d'elle, et d'un geste d'une gentillesse surprenante, il l'aida à se remettre debout. « Madame, commença-t-il, et elle ressentit la vibration des basses de sa voix dans sa poitrine, j'ai besoin de votre aide. » À sa demande, elle s'occupa des civils pendant qu'il se chargeait de la protection de leur petit groupe. Grâce à la confiance et la présence imposante du maître de l'Épreuve derrière elle, elle n'avait aucun mal à obtenir le silence et l'attention des autres. Lorsqu'ils atteignirent le lieu d'évacuation, un trio de pilotes d'Épervier au regard anxieux les attendait à bord de leurs engins. Alors que le dernier membre du groupe montait à bord, Shaxx posa sa lourde main sur son épaule. Il la toisa de haut et ne lâcha qu'un simple mot : « Camarade. » Puis il retourna au combat, son énorme épée en bandoulière dans son dos. La dernière vision de la Tour qu'eut Eva alors que l'Épervier s'éloignait fut celle d'un champ de ruines et d'un brasier.

Perte de la Lumière
Légendes
« Valentina ! Et son fils, Luis ! Quartier du Pèlerin ! Bloc d'appartements 10, quatrième étage ! C'est celui... » Une explosion à proximité lui coupa la parole, mais elle hurla encore plus fort dans le système de communication. « C'est celui qui a l'auvent vert ! Je vous en prie ! » À l'autre bout de la ligne, la voix de la membre du régiment était empreinte d'émotion. « J'enverrai une unité ! Mais, madame, les combats se déroulent dans tout le quartier et... » « Ne vous ai-je pas donné mon code de sécurité de la Tour ? » Eva était effrayée par le ton de sa propre voix. Elle renfermait une pointe de colère. Une pause se fit entendre à l'autre bout. « Bien, madame. J'irai moi-même ! Tozzi, terminé. » Eva s'avachit contre le mur de ce qui, d'après une rapide observation, avait dû être une boulangerie. Désormais, les petites tables servaient à barricader les portes, et la vitrine du comptoir avait été brisée contre un mur en même temps que les présentoirs. L'Exo du régiment à qui elle avait emprunté le système de communication lâcha quelques tirs de plus en direction du mur à demi démoli qui tenait encore debout à l'extérieur de la boutique. Il regarda dans sa direction, l'air anxieux. « Savez-vous vous servir d'une arme ? » Son regard impuissant lui servit sans doute de réponse, car il chercha à récupérer le système de communication. Elle le fit glisser sur le sol, et il entra rapidement une séquence de codes. Une autre explosion à proximité fit gémir de peur les autres civils de la pièce. L'Exo hurlait dans le communicateur. « Nous avons besoin de l'aide de Gardiens à l'angle du bloc 1400 du quartier de l'Ancre ! J'ai un grand nombre de civils avec moi, et notre position est prise d'assaut ! » Il ponctua sa transmission en se penchant vers l'extérieur pour lâcher une demi-douzaine de coups. Les Cabals rugissaient d'une fureur animale. Deux minutes ne s'étaient pas encore écoulées lorsqu'Eva l'entendit, le bruit distinctif d'un Passereau arrivant à vive allure. Elle prit son courage à deux mains, s'accroupit à moitié et jeta un œil à l'extérieur du bâtiment. Elle regarda juste à temps pour observer deux Gardiens, une Chasseuse et un Arcaniste, fondre sur les envahisseurs comme deux anges vengeurs. C'étaient à n'en pas douter de vrais professionnels, ils ne fanfaronnaient pas. Ils étaient efficaces et meurtriers, et les soldats commencèrent à se replier. Mais alors quelque chose se produisit. Eva ne pouvait distinguer ce dont il s'agissait, mais les deux Gardiens chancelèrent. L'Arcaniste tomba un genou au sol, comme si son tendon avait été sectionné. La Chasseuse remua la tête et leva une main au ciel, un signal caractéristique d'appel à la Lumière... mais rien ne se passa. Semblant avoir attendu ce moment, les Cabals en profitèrent pour frapper fort. La Chasseuse fut renversée par la charge d'un Centurion et piétinée. L'Arcaniste ne parvint pas à retrouver ses esprits et tomba au sol, criblé par les impacts des armes d'une douzaine de soldats. L'Exo était entièrement redressé, en état de choc, et au moment où Eva ouvrit la bouche pour lui dire de se baisser, il s'effondra, victime d'un tireur d'élite. Horrifié, l'un des civils eut un haut-le-cœur. Eva ne prit pas le temps de réfléchir. Elle récupéra le communicateur au sol et passa devant les civils pour atteindre la vitre la plus éloignée. Elle se servit de la vitrine renforcée pour briser le verre et commença à faire passer les enfants par l'ouverture, une fois les plus gros bris ôtés du cadre. Elle fut la dernière à quitter le bâtiment, et quelques balles perdues vinrent se loger dans le mur près d'elle alors qu'elle sortait. Ils ne s'arrêtèrent de courir qu'après s'être assurés que personne ne les suivait. Elle n'avait aucune idée du quartier dans lequel ils se situaient, ni de la fonction originelle du bâtiment où ils avaient trouvé refuge. La plupart des rues ordonnées et des boulevards structurés qu'elle connaissait ne formaient plus qu'un labyrinthe de débris. La dernière Cité n'était plus qu'un dédale de structures en ruines et effondrées. Les enfants étaient blottis les uns contre les autres, et les adultes discutaient entre eux. Tous pleuraient par intermittence et tentaient désespérément de rester aussi silencieux que possible. Un bruit suraigu sortit du système de communication et fit sursauter Eva, qui donna un grand coup de tête dans le mur derrière elle. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle l'avait encore. Elle l'attrapa et appuya sur le clavier. Une voix feutrée se fit entendre : « Madame ? » Elle répondit d'une voix rauque et étonnamment grave : « Ici Eva Levante. Est-ce Tozzi ? » Un blanc à l'autre bout. « Tozzi est morte. Elle voulait s'assurer que quelqu'un vous recontacte. » Une nouvelle pause. Eva se retint de toutes ses forces pour ne pas hurler. « Je suis désolé, madame Levante. Le bloc 10 a disparu. Je crois qu'un système de défense automatisé a réussi à s'activer au début du combat, et l'un de leurs vaisseaux amiraux s'est écrasé... » Eva n'entendit pas la suite.

Cache-cache à domicile
Légendes
Eva vérifia l'heure sur le petit système de communication qu'elle étreignait contre sa poitrine. Deux heures plus tôt, elle était assise près de Tess et riait avec elle. Cela semblait irréel. Le temps s'était étiré à l'instar de ces bonbons au caramel que vendaient les marchands pendant l'Avènement. Elle aurait juré que tout ceci s'était passé deux jours auparavant. Et bien avant ça, elle était assise dans l'appartement de son cousin, étreignant Valentina, faisant ses adieux à Luis... « Eva, nous ne leur devons rien. » Une toux rauque s'échappa de l'un des autres civils. Tous avaient la même voix grinçante. Les cendres emplissaient l'air, et personne ne pouvait se racler la gorge. Eva serra un chiffon contre sa bouche avant de répondre de sa voix éraillée. « Comment osez-vous ?, lâcha-t-elle avec une pointe de colère, ils vous ont protégé toute votre vie durant, et vous voulez les abandonner ? » L'objet de leur dispute était effondré sur le sol du hangar. Un quatuor de Gardiens, tous blessés et en sang dans leur armure flamboyante. Alors qu'elle évaluait les chances de survie de leur petit groupe, elle ne put s'empêcher d'apprécier leur sens de l'esthétique. Bien évidemment, le Chasseur s'était donné le plus de mal. L'homme qui la contredisait était corpulent et n'y connaissait rien à la mode. Il portait un uniforme de fonctionnaire des plus insipides. C'était un membre du personnel du Consensus. Il lui jeta un regard noir et s'irrita : « Nous avons déjà du mal à nous déplacer nous-mêmes. Qu'adviendra-t-il avec un groupe de Gardiens blessés impuissants ? Pourquoi devrions-nous risquer nos... » « Ne croyez-vous pas qu'ils ont risqué leurs vies des centaines de fois pour vous ? » Elle ôta le chiffon de son visage et cracha une masse de mucosités et de cendres à côté d'elle. Sa mère serait à nouveau morte sous le choc si elle avait vu cela. « Nous devons continuer à avancer, nous devons les prendre avec nous, et nous devons résister. Quoi que ce soit, c'est temporaire. » Il grimaça, mais elle continua. « Lorsqu'ils retrouveront la Lumière, ils... » Sa diatribe fut coupée par une décharge de parasites si bruyante dans le système de communication qu'elle le laissa tomber au sol. Le boîtier renforcé encaissa le choc, et toutes les personnes présentes entendirent clairement la voix grave du commandant Zavala lorsqu'il entama son discours. « Citoyens de la dernière Cité. Entendez mes paroles. » Tels des assoiffés, les civils formèrent un cercle autour du communicateur. Zavala avait été un pilier, un symbole d'espoir dans leurs vies. Il ferait sans doute... « Nous abandonnons la Cité. Nous avons évacué tous ceux que nous avons pu, mais les Cabals traquent désormais les Gardiens dans les rues. Si vous le pouvez, réfugiez-vous dans la nature. » Eva eut le souffle coupé. « Les Cabals ont fixé un appareil sur le Voyageur et ont rompu notre lien avec la Lumière. Nous ne pouvons plus protéger la Cité. Nous ne pouvons plus vous protéger. » Une longue pause se fit entendre, comme s'il pesait attentivement le moindre de ses mots. Lorsqu'il reprit la parole, Zavala semblait très, très fatigué. « Nous allons établir un point de ralliement quelque part dans le système. Attendez notre prochain message. Nous reviendrons un jour dans la Cité, mais... je ne sais pas quand. » Une nouvelle pause. « Prenez soin de vous. Soyez forts. » Et il disparut. Par bonheur, aucun membre du groupe ne hurla. Quelques heures à peine s'étaient écoulées depuis le début de cet enfer, mais ils avaient réussi à survivre, car ils ne trahissaient pas leur position. Cependant, ils pleurèrent. Leurs larmes creusèrent des sillons dans la cendre qui recouvrait leurs visages. Ils s'observaient mutuellement afin de tenter de donner un sens aux événements, de les comprendre. Eva ne pleura pas. Alors qu'elle observait le système de communication, elle ne pouvait penser qu'à une seule chose, les épaules de Zavala. Elle avait souvent plaisanté avec lui sur la taille de ses épaulières, de cette plaque protectrice massive sur son épaule gauche. Et là, pour une raison inconnue, elle pensait en comprendre la raison. Le poids sur ses épaules... Eva se releva, et tous les regards se tournèrent vers elle. Elle sursauta légèrement. Elle choisit ses mots avec soin : « La plupart d'entre eux s'en vont. Alors nous devons les aider, dit-elle en pointant les Gardiens. Si nous les gardons en vie, ils peuvent nous protéger. » Elle balaya le groupe du regard et découvrit des signes de tête affirmatifs. « Où allons-nous aller ? », demanda une femme. Eva regarda à nouveau le système de communication. « Les Cabals ont sans doute entendu ce message. Ils surveilleront les murs dans l'attente de notre fuite. Elle observa la pièce. Alors nous allons rester là. Nous nous dirigerons vers l'orée de la Cité et tenterons de trouver un endroit où les Cabals ne nous attendront pas. » La couturière se baissa et attrapa le système de communication, le lançant sur son épaule. « Tout le monde debout. Le chemin est long jusqu'à la Trouée du crépuscule. »

La nouvelle normalité
Légendes
Atteindre la périphérie de la Cité était déjà une épreuve. Chaque jour, le contrôle des Cabals se renforçait. Des groupes de civils ou un Gardien esseulé essayaient de sortir, mais se voyaient forcés à rebrousser chemin par une horde de vaisseaux prête au massacre. Les rues n'étaient guère plus sûres à cause des patrouilles et des chars qui parcouraient les quartiers centraux. Les années passées à aider les Gardiens, à écouter leurs bavardages, avaient empli la tête d'Eva de nombreux détails sur ces horribles envahisseurs. Elle se rendait compte qu'ils balayaient la ville un bloc après l'autre, avançant sans imagination et d'un pas lourd. Cela correspondait à ce qu'elle avait appris à la Tour. Leur groupe se cacha, les observa, et ne se déplaça que lorsque les Cabals faisaient de même. Avançant ainsi, ils atteignirent les extrémités abandonnées de la Cité, là où toute trace de l'humanité n'était plus qu'une ombre portée sur les murs. Eva tenait des réunions tous les jours, organisant les patrouilles partant à la recherche de nourriture vers le centre. Le soir, elle suggérait des stratégies pour les jours à venir. Et à sa grande satisfaction, elle passait ses nuits avec du fil et une aiguille, tentant de garder au chaud les survivants de passage. À mesure que les trois Gardiens reprenaient des forces, ils avaient perdu le Titan en chemin, ils lui apportèrent leur aide. C'est sur leurs conseils que les survivants ne restaient jamais plus d'un jour ou deux au même endroit. Ils plaçaient des vigies toutes les nuits et allumaient de temps à autre le système de communication pour écouter les transmissions. Celles qu'ils arriveraient à entendre. Pour une dose d'espoir. Eva était dans la pièce lorsque les Gardiens entendirent la voix de Zavala : une courte déclaration succincte passait en boucle. « S'il y a encore des porteurs de Lumière dans le système... retrouvez-nous sur Titan. » Elle ferma la porte afin que les autres civils n'entendent pas, et écouta leur discussion. L'autre Arcaniste, Tam, avait déclaré être la sœur de Trinh. Les deux étaient déterminées à essayer, d'une manière quelconque, de quitter la planète et de se rendre sur Titan. Le Chasseur, Ramos, était tout aussi convaincu qu'ils devaient rester. L'échange d'arguments terminé, la discussion s'arrêta et ils regardèrent Eva. Elle leva les mains et déclara : « Je suis persuadée que vous ferez ce qui est juste. » Ils restèrent. Et ils devinrent rapidement partie intégrante du succès de leur... opération. Ce qui avait débuté comme une simple affaire de survie était devenu un effort organisé d'évacuation des civils de la dernière Cité. Les groupes partis à la recherche de nourriture revenaient avec plus de membres qu'ils n'en avaient au départ. Les éclaireurs avaient sondé les frontières de la Cité et trouvé des moyens de s'échapper, des endroits où les patrouilles de Cabals négligeaient leur travail. Eva avait découvert que les compétences qui lui avaient permis de planifier les fêtes à la Tour étaient inestimables pour l'organisation de ces mouvements clandestins. Elle assemblait les tableaux d'anciennes classes afin de créer un programme, et écrivait à l'arrière de vieux formulaires et de bulletins d'information pour faire des « livraisons » de civils et de Gardiens sans Lumière. Un jour après l'autre, tout ceci vint à faire partie de sa routine. Elle disparaissait dans l'organisation de ce monde clandestin : elle planifiait, se déplaçait, cousait et répétait le tout. Lorsque le contact fut enfin établi avec le Domaine, et que l'acheminement des survivants jusqu'à la ZME devint l'objectif, Eva s'assurait encore que tout fonctionne correctement. Après un temps de réflexion, elle demanda à ce que la teneur de son rôle ne soit pas ébruitée. Elle s'était assurée que les gens comme Tess sachent qu'elle était en vie, et c'était suffisant. Elle eut l'occasion de quitter la Cité des dizaines de fois. Mais chaque fois qu'elle pensait s'en aller et partir avec le convoi, elle s'en empêcha, se ravisa, et se remit au travail. C'est ainsi que les mois passèrent pour Eva Levante lors de la Guerre rouge.

Guerre juste
Légendes
« Abuela ? Madame ? » Les paroles étaient prononcées à voix basse, presque murmurées, mais cela suffit à éveiller Eva. Pendant un court moment perturbant, elle pensa être de retour dans le salon du quartier du Pérégrin, sa couverture favorite au bout du canapé et Carlos au-dessus d'elle... mais ce n'était pas Carlos. Le visage anxieux de Ramos le Chasseur la toisait. Un certain nombre de Gardiens qui étaient passés par le réseau clandestin avaient pris l'habitude de l'appeler grand-mère, mais Ramos était le seul à être resté avec le groupe tous ces longs mois de guerre. Il se montrait très protecteur envers elle, parfois même étouffant, et elle soupira en se frottant les yeux. « Je suis réveillée. C'est bon. Quelle heure est-il ? » Elle se redressa sur le vieux canapé où elle venait de passer la nuit, grimaçant en massant les nœuds musculaires formés par sa position sur le côté. « Presque sept heures. » Sa voix était basse et penaude. Elle lui lança un regard noir. « Vous étiez supposé me réveiller il y a une heure. » Il souriait à demi. « Vous aviez besoin de repos. » Elle se leva précautionneusement et chancela, prenant soin de lui masquer son visage afin qu'il ne remarque pas son agacement. « Attendent-ils ? » « Ils viennent tout juste d'arriver. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai attendu. Ils ne vous attendent pas avant 10 bonnes minutes. », déclara-t-il en essayant de se justifier. Eva soupira à nouveau. « Merci, Ramos. Vous aviez raison, j'avais besoin de dormir. Je suis encore allée me coucher beaucoup trop tard hier soir. Allez leur dire que j'arrive. » « Bien, madame. » Il semblait plus heureux. Ses pas au sortir de la pièce étaient plus légers, empreints de confiance. Eva entra dans la salle de bain du quartier d'habitation principal de l'appartement du deuxième étage. Sa routine matinale établie, elle versa un peu d'eau de l'une des bonbonnes de rationnement dans l'évier bouché afin de se laver et de tenter d'effacer les traces de sa nuit sur un canapé à moitié moisi dans un bâtiment abandonné. L'eau coulant le long de son nez, elle attrapa à l'aveugle l'un des morceaux de tissu qui servait de serviette et se sécha le visage. Lorsque ses yeux furent à nouveau opérationnels, elle se trouva face au visage d'une étrangère. Eva avait toujours été mince. Elle se rappelait encore quand, enfant, sa mère lui répétait de manger et de finir son assiette. Mais la femme qui la regardait était tout à fait émaciée. Des poches sous les yeux, des cheveux coupés courts n'importe comment... et ses vêtements ! Ceux qu'elle portait le jour de l'attaque n'avaient pas duré une semaine, ils n'étaient pas faits pour vivre à la dure. La tenue artisanale qu'elle s'était cousue n'aurait jamais été approuvée à la Tour, mais ici, elle faisait l'affaire. Elle avait au moins pu sauver son châle caractéristique. Il lui rappelait des jours meilleurs... Alors qu'elle passait dans la pièce à vivre, Eva pensa que ces jours meilleurs étaient précisément la raison de la présence du groupe en bas. Tous les responsables des cellules du réseau étaient rassemblés en un seul et même endroit pour une réunion... peut-être même la dernière. Pour le réseau clandestin, la Guerre rouge était une victoire éclatante. Ils avaient gagné. Les seuls civils et Gardiens qui se trouvaient encore dans la Cité étaient ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas partir. Eva fronça les sourcils, attristée. Régulièrement, ils entendaient parler d'un groupe de Gardiens débordés par un assaut de la Légion dans un bunker qui aurait dû être sûr. Les pertes de vies civiles étaient faramineuses, autant lors de l'assaut initial qu'au cours des mois suivants. Alors qu'elle observait la rue en contrebas depuis une fente dans la fenêtre barricadée de planche, elle dut admettre qu'elle ressentait un sentiment de... satisfaction. Désormais, il ne restait plus au réseau qu'à se retirer, à atteindre le Domaine et la sécurité du grand nombre dans le groupe de Hawthorne. Eva leva les yeux des rues vides pour observer au loin la Tour, tordue et en ruines. Elle resterait, elle l'avait décidé. Les Gardiens comme Ramos pouvaient venir la voir de temps à autre, mais quelqu'un devait rester en arrière pour tenir la boutique. Des réfugiés pouvaient encore se trouver par ici, espérant trouver... une échappatoire. Elle s'éloignait de la fenêtre pour se rendre à l'étage inférieur lorsqu'une explosion souffla la rue en face de l'appartement. Le monde d'Eva devint blanc.

Dernier jour
Légendes
Eva secoua la tête et tenta de comprendre où elle se trouvait pour la deuxième fois en deux minutes. Rien n'avait laissé entendre ce qui allait suivre. Elle avait discerné le bruit d'un moteur la survolant pendant quelques secondes, puis une énorme explosion avait balayé la rue en face de l'appartement sous-terrain. Le souffle l'avait projetée au sol comme une vulgaire poupée de chiffon. Tout son corps la faisait souffrir. Près d'elle, elle entendait les cris gutturaux des soldats cabals. Le son particulier des armes à feu des Gardiens était leur seule réponse. Quelqu'un hurlait. Sans prendre le temps de réfléchir, elle se remit sur ses pieds, se précipitant vers le coin de la pièce opposé où se trouvait son fusil à pompe, posé sur une desserte. Elle avança de trois ou quatre pas, l'arme en main, prête à tirer. C'est à ce moment-là que le sol de l'appartement fut éventré et que deux Psions pénétrèrent dans la pièce, l'arme au poing. Eva Levante, couturière de la Tour, aurait été prise au dépourvu. Mais la femme émaciée qu'elle venait de voir dans le miroir avait passé des mois à s'entraîner avec l'arme. Des exercices interminables l'avaient préparée à l'action, et son premier tir atteignit le Psion de droite en pleine poitrine, le faisant voler hors de la pièce. Cependant, rien ne l'avait préparée au recul, et elle sentit quelque chose se fissurer dans son bras alors que l'arme était projetée contre elle. C'est pourtant ce qui lui sauva la vie en la faisant involontairement pivoter sur le côté, évitant par là même de justesse les tirs de l'autre Cabal. Furieuse, elle leva à nouveau son arme et le coup qu'elle tira en réponse projeta la créature contre le mur opposé. Respirant bruyamment, elle rechargea son arme d'une main et attendit, à l'écoute du moindre bruit. Elle n'entendait rien de ce qui se passait au-dehors. Le combat faisait rage à l'étage inférieur, et ils avaient besoin d'elle. Elle passa la porte, l'arme levée… Le bruit de la Bête de guerre qui traversait la fenêtre de l'appartement lui fit l'effet d'une nouvelle explosion. Eva se retourna alors que la bête écailleuse détalait sur le côté, et que deux autres se jetèrent directement depuis l'engin de transport en survol stationnaire jusqu'au petit appartement. Elles atterrirent avec une grâce surprenante, et les trois paires d'yeux affamés fixèrent la couturière. De la bave recouvrit l'étage quand les trois mâchoires s'activèrent dans leurs gueules dentées. Eva ouvrit le feu. Les bêtes chargèrent.

Assistance vitale
Légendes
Eva Levante était appuyée contre le mur extérieur couvert de lierre de l'étable, observant le terrain de football du Domaine. Les vieux filets étaient à présent détendus. Il fallait les raccrocher. Personne ne s'y intéressait suffisamment pour changer les cordes, et les habitants du Domaine n'étaient pas de grands sportifs. Au-delà du terrain se trouvait la région vallonnée de la Zone morte européenne, et à l'horizon, l'éperon tordu et en ruine du Fragment du Voyageur. Les premiers jours après l'attaque de l'appartement où elle avait pu se tenir debout, elle était venue ici admirer cette vue. Désormais, elle regardait, lasse, les nuages qui tourbillonnaient nonchalamment autour du Fragment et s'y amoncelaient. Eva sourit et déplaça son poids du mur vers la canne sculptée qui l'aidait à se maintenir droite. Comment pouvait-elle s'ennuyer après tout ce qui s'était passé. Ses premiers jours au Domaine, elle les avait passés à subir des traitements médicaux, effectués à la hâte par des ambulanciers déjà en train de partir alors qu'elle arrivait. C'étaient les derniers jours de la Guerre rouge, et une opération de grande envergure avait été organisée pour reprendre la ville. Une femme âgée en provenance du réseau clandestin n'était pas une priorité, et dans l'agitation, même les vieux amis qu'elle espérait retrouver ne l'avaient pas vue. Désormais, elle était seule. Du moins, la plupart du temps. Elle tourna la tête pour observer la Cryptarque, Tyra Karn, s'éloignant en bavardant avec le cadre des postes. Maintenant que les principales opérations avaient repris dans la Cité, Darbi était devenu l'assistant de recherche officieux de Tyra. Ensemble, ils continuaient à étudier et à examiner l'histoire de l'humanité à travers le prisme de la Zone morte, une activité annexe à l'agitation de la Tour à laquelle Tyra était plus qu'heureuse de prendre part. L'éclaireur, Devrim, venait également discuter de temps en temps. Lorsqu'il voulait faire preuve d'insolence, il parlait de leur petit groupe comme le « club des vieux de la vieille », lâchant généralement cela alors qu'il sirotait une tasse de thé. Les deux avaient officiellement toujours des fonctions à remplir, évidemment, et ils prenaient leurs rôles très au sérieux. Eva était au Domaine en mission très officieuse. Son rôle à la Tour n'avait jamais été vital pour le bon déroulement des opérations, bien sûr… mais personne ne s'était précipité pour la faire revenir non plus. Tess et Banshee l'avaient contactée de temps à autre et elle leur avait donné des conseils sur la manière d'organiser leur nouvel espace. Mais Eva se trouvait au Domaine pour les âmes perdues. Ceux qui arrivaient là, seuls ou à deux. Ils avaient tous quelque chose en commun : le Fragment ne s'était pas connecté avec eux. Ils venaient s'asseoir et l'observer de loin. Ils discutaient de la rudesse de la Guerre rouge pour un Gardien sans puissance, certains obligés par la force des choses à rester en retrait. Lorsque la Lumière était revenue, certains l'avaient trouvée différente. Comme s'ils avaient enfilé un costume qui ne leur allait plus. Parmi les pèlerins, une toute petite Exo était celle dont Eva se souvenait le mieux. Elle ne savait pas que des Exos si petits avaient pu être fabriqués. La femme bougeait et se tortillait en parlant, incapable de se calmer. Entendant pour la énième fois dans la bouche d'un Gardien que la Lumière était différente, Eva posa sa question habituelle : « Est-ce la Lumière qui est différente ? Ou est-ce vous ? » L'Exo s'arrêta et plissa les yeux, pensive. Pour la première fois depuis son arrivée au Domaine, elle était immobile. C'était généralement ainsi que cela se déroulait. Parfois, poser la question suffisait à les aider. Pour d'autres, cela prenait beaucoup plus de temps. Il leur arrivait de passer des semaines au Domaine à faire de même qu'Eva : fixer le Fragment. D'autres encore venaient au Domaine, ne trouvaient aucune réponse, et partaient à pied vers le grand repère à l'horizon. D'après ce qu'Eva savait, aucun d'eux n'était jamais revenu au Domaine. C'était une vie étrange. Une autre période étrange. Un rôle de plus qu'elle n'avait jamais demandé. Elle découvrit cependant qu'elle était plutôt douée pour cela. Et Eva Levante n'avait aucune intention de retourner à la Cité.

Cicatrices invisibles
Légendes
Le système de communication de sa petite pièce gazouilla suffisamment fort pour tirer Eva d'un profond sommeil. Elle avait transformé la petite annexe en un endroit assez douillet grâce à des tissus et des œuvres d'art récupérées dans la Zone morte. Mais comme c'était généralement le cas lorsqu'elle se réveillait en sursaut ses derniers temps, il lui fallut un moment pour se souvenir d'où elle était. Elle grogna en se glissant hors du lit, s'appuyant sur les meubles à proximité pour recouvrer son équilibre. Les dégâts causés par les Bêtes de guerre avaient été importants, et elle pouvait encore sentir la raideur dans ses jambes, là où la technologie Bray avait rattaché le tendon à l'os. Elle s'avachit dans une petite chaise en face du système de communication. La lumière de l'écran illumina la pièce, qui était sans cela dans l'obscurité la plus absolue. Elle jeta un bref coup d'œil dans l'appareil alors que l'image de Tess Everis apparut. Il faisait jour à la Cité, et Tess était impeccablement vêtue pour aller travailler. « Est-ce que tu as idée de l'heure qu'il est ici ? », demanda Eva, laissant l'agacement poindre dans ses paroles. « Oui. Je le sais. » Quelque chose dans le ton de Tess fit se rapprocher Eva de l'écran. Le visage de son amie était tendu. Elle avait l'air… effrayée. « Tess, qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que ça va ? » Eva était désormais tout à fait réveillée, et elle tira sur le bord de son peignoir turquoise pour le refermer sur elle. Elle avait froid tout à coup. « Je suis désolée, ma chère. Je… je voulais que tu le saches sans plus attendre. Je parie que Tyra reçoit en ce moment même un appel de Rahol. » Tess baissa les yeux et son regard sembla se perdre au-delà de la caméra avant d'y revenir. « Ma chère, Cayde est mort. Quelque chose est arrivé au Récif hier. Je ne connais pas tous les détails, mais tout le monde en parle. » La bouche d'Eva disparut en une mince ligne inquiète. Elle n'avait jamais particulièrement apprécié le Chasseur de l'Avant-garde, mais des tas de gens l'admiraient, comptaient sur lui. Et si une chose était suffisamment puissante pour tuer Cayde-6… « La Légion ? » Tess nia de la tête. « Nous n'en savons pas plus ici. » Elle esquissa le premier sourire depuis qu'Eva avait répondu à l'appel. « Tu connais la fiabilité des rumeurs qui circulent par ici. Cela pourrait être n'importe quoi. » Eva se rassit au fond de sa chaise, les sourcils froncés. « Je suis désolée, ma chère. Je sais que tu l'aimais bien. » Tess haussa les épaules, tentant de minimiser l'impact d'une telle nouvelle sur elle. « Ne joue pas à ça avec moi. Il n'y a pas si longtemps, nous partagions encore des histoires au Marché. Tess s'arrêta, et hocha tristement la tête. « Il y aura des funérailles, je crois. Tu reviendras pour y assister ? » C'était au tour d'Eva de tourner la tête loin de l'écran. C'était la première fois que quelqu'un lui demandait de retourner à la Cité. Et pour des funérailles en plus. Eva s'apprêtait à trouver une excuse quand la voix rauque de Tess se fit à nouveau entendre, teintée d'une légère pointe d'humour. « Pendant que tu seras ici, tu pourras régler la planification des fêtes pour les cadres. » Les yeux d'Eva devinrent ronds comme des soucoupes. « Les cadres préparent les fêtes sans moi ? » Le sourire de Tess s'agrandit. « Nous étions tout aussi surpris ! Les décorations des fêtes ont été empaquetées avec des provisions importantes lors du transfert à la nouvelle Tour. Et lorsque tes programmes ont été opérationnels, ils ont pu trouver les caisses en question. » Tess attrapa le système de communication et l'orienta de façon à ce qu'il montre le chapeau de l'Avènement placé sur la tête d'un mannequin dans un coin de la pièce. Eva secoua la tête, incrédule. « Ils ont fait l'Avènement sans moi. » Le visage de Tess réapparut dans le cadre. « Pendant l'été, Ikora a demandé à quelqu'un d'organiser un événement pour célébrer la fin de la guerre aussi. » Eva tenta de masquer l'agacement qui se lisait sur son visage. « Comment était-ce ? » Tess secoua la tête d'un côté et de l'autre, évaluant la réponse. « Oh… tu sais. Ça allait. » En observant la bouche d'Eva se resserrer, Tess se mit à rire. « Il manquait ta touche personnelle, ma chère. » Elle soupira. « Oh, cela fait du bien de rire. Reviens à la Tour ! Même si ce n'est que pour rendre hommage à Cayde. Je ne t'ai pas donné d'accolade depuis des années. » Dans l'obscurité de sa chambre, Eva se tourna vers sa fenêtre. À l'horizon, la faible lueur du Fragment était une ancre, un symbole du passé. Eva se retourna vers son amie et sourit.

Vous ne pourrez plus jamais rentrer chez vous
Légendes
Eva Levante ouvrit la porte de son cagibi et eut un haut-le-cœur à cause de l'odeur qui s'en échappa. Elle se retourna vers les deux cadres qui l'accompagnaient et montra du doigt l'intérieur du compartiment. « Commencez par désinfecter tout ça. Quand ce sera propre, on pourra commencer à déplacer les caisses. » Les deux cadres opinèrent du chef et émirent un bip affirmatif. Ils étaient déjà plongés dans le nettoyage lorsqu'ils passèrent le seuil. Aidée de sa canne, Eva recula de quelques pas afin d'éviter que ses vêtements ne soient salis. Autour d'elle, le marché débordait d'activité. Les civils qui étaient en pause déjeunaient accoudés à un comptoir, les clients jetaient un œil aux étals, les cadres nettoyaient, patrouillaient et livraient les marchandises, et les Gardiens se trouvaient absolument partout. Une explosion de styles et de couleurs envahissait l'espace quand ils se déplaçaient, flottaient ou bondissaient dans les alentours. Eva s'énerva, furieuse contre elle-même d'avoir laissé Tess, et dans une certaine mesure Amanda, la convaincre de revenir. Rien de tout ceci n'était normal, rien ne semblait… confortable. Et l'espace qu'on lui avait fourni pour stocker ses marchandises ne semblait pas avoir été ouvert et nettoyé depuis les Guerres de factions. Elle découvrit un banc le long d'une des allées du marché et s'y assit avec gratitude, observant la foule des passants. La mode avait rapidement évolué depuis l'attaque de la Légion. Cela avait toujours été le cas à la Cité. Elle passait son temps à essayer de la rattraper, tentant de reprendre pied. Les masques à recycleur créaient des points sur les visages dans la foule. Leur utilisation était plus une affaire de style qu'une véritable nécessité. C'était un vestige du temps où la reconstruction et la restauration de la Cité les rendaient obligatoires. Et les Gardiens ! Tess avait passé le plus clair de leur temps à lui expliquer les dernières tendances à la mode dans l'ensemble du Porteur de lumière, et Eva était véritablement impressionnée. Tess, les fonderies, et même l'Avant-garde s'étaient surpassés. Les conceptions d'armure et les schémas de revêtements avaient été radicalement améliorés depuis son dernier passage à l'ancienne Tour. « Que vais-je bien pouvoir faire ici ?, marmonna-t-elle par-devers elle. Que puis-je faire qui… » elle s'arrêta net en voyant passer un Gardien avec une crête sur le casque et une robe d'Arcaniste qui volait et ondulait dans la brise derrière lui. « J'en ai assez vu. » Eva se redressa, se dirigeant vers la porte pour dire aux cadres d'arrêter le nettoyage, quand quelqu'un croisa son chemin. C'était un Gardien portant un trench-coat de cuir et un heaume noir scintillant. « Eva ? », laissa échapper une voix distordue. Observant le reflet de son propre visage dans le casque, elle en fut légèrement désorientée. Des mains gantées s'élevèrent jusqu'à la coiffe et l'ôtèrent pour révéler le visage souriant de Ramos. « Abuela ! C'est moi ! » Il l'attira vers elle et la prit dans ses bras. Elle sourit. « Petit vaurien. Tu ne m'as pas donné l'occasion de te remercier. » Elle le frappa gentiment sur l'épaule en reculant. « Tu sauves la vie d'une femme puis tu t'enfuis reprendre la Cité, c'est ça ? » Ramos se mit à rire, plus heureux qu'elle ne l'avait jamais vu. La Lumière lui seyait à merveille. Il se retourna vers deux Gardiens à proximité qui observaient la scène avec intérêt. « Les gars, voici Eva Levante ! Vous vous souvenez de mes histoires ? Cette femme est une légende ! » Il fit signe aux deux autres d'approcher. « Eva, ces deux-là sont aussi brillants que du Lumen. Ils sont devenus Gardiens peu avant l'attaque de la Légion. » Eva les salua d'un signe de tête emprunt de respect. « Ravie de faire votre connaissance. » L'un leva la main en une salutation maladroite, tandis que l'autre inclina la tête. « Que… que faites-vous ici ? » Eva soupira. « Oh, je ne… je ne reste pas. » Ramos éclata de rire et déclara : « C'est une couturière extraordinaire ! Une héroïne de guerre ! Et avant ça, c'était l'un des piliers de la vie à la Tour. Vous vous souvenez de la célébration de l'Avènement que vous avez tant appréciée ? Eh bien c'est elle qui a lancé cette coutume à la Tour ! » Les deux se retournèrent vers elle, visiblement impressionnés. « Comment avez-vous fait pour que Zavala accepte de… de… » Eva sourit. « De s'amuser ? » Elle rit aux réponses qu'elle obtint des trois Gardiens, et frappa sa canne au sol à deux reprises. « C'est une très bonne histoire. Vous avez un peu de temps à tuer ? » Ramos rit. « Absolument ! Venez, allons chercher à manger. Nous pourrons aider ces apprentis Gardiens à apprendre une ou deux choses sur ce que cela signifie de vivre à la Tour. » Aidée de son ami, Eva Levante traversa aisément la place du marché de la Tour, bastion de la dernière Cité. Son foyer.